• Chapitre 3 - Signorina

    Chapitre 3 - Signorina

     

    Bien qu’elle eut des pistes, Rome ne s’était pas construite en un jour. Et même avec la meilleure des volontés, si Iseult n’avait un sous en poche, elle ne pourrait rien faire pour améliorer son quotidien. Mais la demoiselle Vauganne ne se laissait abattre et croquer la vie à pleine dent. Assez de lamentation, place au sourire. Elle avait relevé ses manches et prit le chemin de la gloire avec un pas déterminé. Elle gravirait les échelons dans sa carrière, même si elle devait pour cela récurer le sol des toilettes du restaurant pendant des années.

     

    Chapitre 3 - Signorina

    Au moins la pluie lui laissait du répit. Telle une fougère dans les sous-bois, Iseult rechargeait ses batteries sous les rayons du soleil levant. Elle avait pris cette petite habitude depuis son arrivée –bien entendu, elle évitait de faire cela les jours de pluie- et cela était loin de lui déplaire. Elle pouvait ainsi écouter les oiseaux pépier, se disputer ou encore les pies être importunés par les écureuils taquins. Le clapotis de l’eau du lac légèrement balloté par la brise du matin. Il ne faisait ni chaud, ni froid. Juste ce qu’il faut pour apprécier le moment présent et mettre de côté les soucis.

     

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    Le sourire la gagnait à chaque fois sentant monter en elle une vague de nostalgie. Elle n’avait pourtant jamais pris le temps d’observer le ciel et ses nuages mais les souvenirs étaient si fugaces, si éphémères qu’elle pouvait se tromper. Peut-être que jeune enfant, elle s’était simplement allongée dans l’herbe fraîche et avait pris le temps d’écouter. Le son, la vie, la nature, son cœur battre.

    Elle laissa ses paupières se clore afin de se concentrer sur les battements de son cœur. Elle avait toujours trouvé stressant d’entendre son cœur cogner contre ses tempes, surtout lorsqu’elle tentait de s’endormir. Elle percevait la chose différemment aujourd’hui. Son cœur lui parlait et il lui prouvait qu’elle était vivante. Qu’elle devait se battre pour ses rêves. La fierté qui en découlerait sera alors incommensurable.

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    Elle se redressa sur ses deux coudes, après avoir ouvert les yeux et soupira. Un peu agacée, elle devait bien l’avouer, de devoir quitter son havre de paix afin d’aller travailler. Elle aurait aimé pouvoir dire qu’elle trépignait à l’idée de prendre son service hélas… La réalité n’était pas toujours teintée de blanc, ni de noir.

    Debout sur ses jambes, elle laissa ses pieds la mener vers le chemin du bus, téléphone en poche. Elle laissa son sac sur place. Que pouvait-il bien contenir et qui fut susceptible d’attirer les voleurs ? Argent, téléphone, toute sa fortune tenait au creux de la poche de son jeans. Ce fut en sifflant qu’elle quitta son quartier, le cœur léger, le sourire aux lèvres.

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    Une autre vie, un autre soir. Pour Iseult, ce fut loin d’être le cas. Elle avait pris une certaine routine après le travail. Son patron, la prenant en pitié mais surtout agacé par son odeur, lui donna quelques coupons de réductions afin d’accéder à une des salles de sport de la ville. Si d’ordinaire, la demoiselle se serait offusquée, elle prit les coupons presque en le remerciant.

     

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    Car la pluie n’étant plus au rendez-vous et que ses voisins commençaient à la regarder d’une étrange façon, les douches sauvages étaient proscrites. Il lui fallait bien les remplacer et quoi de mieux que les cabines de douche publique d’une salle de sport ? Tout le confort d’une maison pour une bouchée de pain. Bien entendu, ne possédant pas énormément de coupon et que la générosité de son patron n’était pas à prendre pour acquise, Iseult économisait et ne s’y rendait pas tous les soirs. Pourtant, entre les odeurs du quotidien et celle de la cuisine, elle-même sentait sa propre odeur. Et sa fierté en prenait à un coup à chaque réflexion et/ou regard à son encontre.

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    Timide par nature, et ce depuis sa plus tendre enfance, Iseult avait déjà bien du mal à communiquer avec les autres et à nouer des liens. Sa situation actuelle, comme son manque d’hygiène, n’arrangeait en rien sa vie sociale et le poids de la solitude commençait à se faire ressentir. Certes, sa sœur n’était pas loin mais son métier d’actrice la menait actuellement hors de la ville. Et de toute façon, la brune n’avait aucunement fait part de sa situation à sa sœur. Elle devait faire face à cette situation seule. C’était son défi, son combat, sa vie. Et vivre dans l’ombre d’Isabeau lui avait assez pesé toute sa vie.

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    Propre et fraîche, elle passa une tenue de sport –généreusement prêtée par la gérante de la salle- et descendit au rez-de-chaussée afin de se divertir. Iseult s’était découvert une passion pour le basketball. Et bien que mauvaise, cela ne l’empêchait pas de faire quelques lancer. Certes, elle sortait de la douche mais elle avait ce luxe de pouvoir en user autant qu’elle le souhaitait tant qu’elle restait dans l’enceinte de la salle de gym. Autant transpirer et s’amuser, la douche n’en sera que meilleure !

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    Plus tard dans la soirée, après avoir salué la gérante, Iseult profitait de l’air frais devant la porte d’entrée lorsqu’un étrange homme l’aborda.

    - Perdonami, signorina !

    Elle releva la tête et le dévisagea avec méfiance. L’homme était accoutré d’une chemise surplombée d’une paire de bretelle, un petit béret au motif écossais. Et même si elle refusait de juger une personne sur le physique, l’homme d’un certain âge était assez étrange. Il s’adressa à elle dans une autre langue, voyant qu’elle ne le comprenait pas, il se racla la gorge et réitéra sa question :

    - Pardonnez-moi, Mademoiselle. Je croyais que vous êtes compatriote à moi.

    - Italisim, c’est bien ça ?

    - Si ! Vous êtes ?

    - Non, je suis moi-même étrangère dans cette ville mais pas de la même nationalité que vous.

    - Che sfortuna !

    Chapitre 3 - Signorina

    Elle rit doucement devant la détresse sur-jouée de son interlocuteur. Elle ne pouvait que comprendre son désarroi. Bien qu’elle comprenait et parlait assez bien la langue locale, elle était parfois perdue et avaient vécu quelques quiproquos assez gênants.

    Parlez doucement et j’en ferais autant.

    - Oh ! Grazie signorina ! Je être … perdu de ma femme.

    Iseult hocha de la tête afin de lui faire savoir qu’elle comprenait et l’invita à poursuivre d’un petit geste de la main.

    - Vous connaître ristorante "Bleu Velours" ?

    - Vous ne pouvez pas mieux tomber, Monsieur. J’y travaille !

    - Meravigliosa ! Vous sauver moi !!

    - Je vais vous accompagner jusqu’au restaurant. Laissez-moi quelques instants, le temps que je me change.

    L’homme secoua la tête avec vivacité, acceptant de l’attendre. Main sur le cœur, il s’inclina face à elle, reconnaissant de sa gentillesse et de son aide. Iseult rougit légèrement tout en gloussant. Elle lui fit signe d’attendre et qu’elle ne sera pas longue.

    Une fois changée, la demoiselle Vauganne accompagna donc l’étranger jusqu’au restaurant qui n’était qu’à cinq minutes de marche. Ils discutèrent de tout et de rien, lui clamant son amour pour sa femme et sa famille. Il se présenta sous le nom de Fabio Aventuri et qu’il était de passage à Willow Creek pour des vacances. Iseult l’écouta sans trop parler, répondant principalement à ses questions –réponses qu’il n’écouta guère, trop passionné à parler de sa femme. Mais cela ne dérangea pas la demoiselle. Elle le trouvait divertissant et tout à fait charmant. Il avait un côté rafraîchissant. Il lui fit promettre de passer le voir dans sa résidence de vacance afin qu’il puisse la remercier comme il se devait. Elle déclina en premier lieu mais il semblait ne pas accepter le mot "non". Un peu forcée, mais tout de même heureuse de l’invitation, elle accepta. Il griffonna alors son adresse sur un bout d’affiche qu’il déchira sans aucun remord et laissa la Signorina rentrer chez elle, non sans lui rappeler les dangers de la rues pour une demoiselle aussi jolie et charmant qu’elle. Elle rit de bon cœur avant de lui tourner le dos, sans oublier de le saluer de la main.

     


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