• Chapitre 1 - Désillusions

     

    Chapitre 1

     

     

    « Charmant petit lot de terrain, paisible et peu fréquenté. Endroit parfait pour vivre une vie sans heurt et y élever une petite famille en toute sécurité. Commodités et infrastructures à proximités. N’hésitez plus et sautez sur l’occasion de vous réveiller tous les jours avec une vue imprenable sur le lac de Willow Creek. »

    Iseult se tenait là, les bras balans, une expression figée de stupeur sur le visage, la pluie eut beau ruisseler sur elle, elle ne la sentait pas. Trop obnubilée par la terrible vue qui s’offrait à elle. 

    La vue, le terrain, la végétation, l’air frais. Tout y était. Or, il manquait une chose essentielle. Oh, pour certain cela devait être une broutille, un petit contretemps, un grain de sable sous leur chaussure. Mais si ce même grain de sable se trouvait dans un engrenage, ce dernier empêcherait le mécanisme de fonctionner et alors le monde s’écroulerait. Pour Iseult, l’absence d’une maison était comme une représentation de l’apocalypse. 

    Et cette apocalypse, elle le vivait désormais. Une simple tente, une glacière et une lampe à l’huile.  Voilà toute la fortune qu’elle avait pu accumuler en une seule journée. Fauchée comme les blés après l’acquisition de son terrain idyllique et de la maison de ses rêves – Ephémère maison par ailleurs- elle se trouvait à devoir faire face à la réalité.

     

    Chapitre 1

     

    Désabusée, flouée, trahie. Tant d’émotion émergeaient en elle et elle ne savait comment les exprimer. Même les nommer semblait être hors de portée. Comment allait-elle faire pour vivre sans aucunes commodités. Sans eau, ni électricité, sans toit au-dessus de la tête ? Une toile fine n’allait pas la protéger du froid et de l’eau. Combien de temps allait-elle supporter une telle vie ? Elle ferma les yeux, soupira longuement s’empêchant au passage de se pincer le nez de désespoir. Elle s’était promis de ne pas baisser les bras à la moindre petite épreuve. Mais elle n’avait guère pensé à CE genre d’épreuve. Était-ce une punition pour avoir pensé de manière positive ? Était-ce sa punition pour avoir espéré s’en sortir, vivre tout simplement. Loin de l’ombre de sa mère, loin de l’ombre de sa sœur ?

     

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    Aille que vaille, elle remonta ses manches mentalement et marcha d’un pas décidé vers ce qui lui servait désormais de maison. La toile était fine, légèrement humide par la toute récente pluie et l’air humide. Elle osa un regard vers le ciel et soupira. Le temps était tout aussi morose qu’elle et menaçait à tout moment de craquer. Peut-être allait-il pleurer pour elle ou encore à sa place ?

    - Fais-toi plaisir, Ciel. Je t’en prie, parce que moi, je ne pleurerai pas !

    Elle s’engouffra alors dans la tente. Il n’y avait aucun confort dedans, pas même un sac de couchage. Juste son sac à dos rempli de quelques habits. Elle fouilla dedans et rit avec dépit en apercevant le chargeur de son téléphone portable. Au moins, elle avait une bonne nouvelle aujourd’hui : elle avait un emploi. Un petit rayon de soleil dans cette grisaille épaisse et obscure. Elle pourra recharger son téléphone là-bas, pendant son service. Mais en avait-elle réellement besoin dans le fond ? Elle ne connaissait personne dans cette ville –hormis sa sœur- et elle n’avait pas les moyens de se payer un abonnement. Quand la fin du mois viendra –et il viendra, plus vite qu’elle n’osait l’imaginer- elle n’aurait plus les moyens de contacter qui que ce soit. Enième soupir, et elle n’allait pas s’embêter à les compter car il n’y en aura une longue procession dans les jours à venir.

     

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    – Ahem…

    Un raclement de gorge et un sursaut de la part d’Iseult. Elle remercia la souplesse de sa tente. Perdue dans ses pensées, elle n’avait entendu arriver un groupe de gens. Perplexe, elle arqua un sourcil avant d’approcher les inconnus. Deux femmes et deux hommes, deux paires disparates qu’elle n’avait guère eu l’occasion de croiser.

    - Que puis-je pour vous ? Demanda-t-elle timidement.

    - Bonjour ! Répondit la plus jeune des femmes avec enthousiasme. Nous sommes vos voisins les Spencer-Kim-Lewis ! Bienvenue dans le quartier !

    Iseult se sentit mal d’avoir répondu avec morosité mais son ressentiment la rendait amère.

    - Bonjour, je suis Iseult Vauganne. Je me répète encore une fois mais… que puis-je pour vous ?

    - Oh… Et bien…

    La jeune femme perdit un peu de son enthousiasme, elle jeta un regard aux autres membres de sa famille à la recherche d’aide. Le plus jeune des hommes détourna le regard montrant ouvertement qu’il n’était pas ici de son plein gré. Le vieil homme demeura tout aussi fermé bien que moins hostile. Ce fut la vieille femme qui prit le relais.

    - Nous sommes tout simplement venus vous souhaiter la bienvenue, comme l’a précisé ma belle-fille. Mais si on dérange, nous pouvons partir.

     

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    Honteuse, Iseult détourna le regard et se mordit la lèvre.

    - Veuillez m’excuser. C’est juste que … Je vais de désillusion en désillusion depuis mon arrivée que j’ai tendance à être mordante.

    Les deux femmes regardèrent autour d’elle et firent mine de comprendre. Qui ne serait pas triste et/ou désappointé devant un terrain vague. Belle-mère et bru hochèrent la tête de concert sous le silence respectif des deux autres hommes.

    - Vous avez sauté sur une occasion en or et vous voilà piégée avec cet immense terrain en friche, c’est ça ?

    - J’aurais dû me dire que l’offre était bien trop alléchante pour être vraie. Et je n’ai aucun recours pour traiter cette injustice.

    - Hélas, vous allez devoir rester ici, je le crains.

    La compassion dans la voix des deux femmes mis du baume au cœur d’Iseult. La conversation dura un moment. Ils comprirent et dirent avec humour que la pendaison de crémaillère sera plus tard. Chose qu’Iseult promit à moitié car elle ne savait quand cela se fera. Au moment du départ de la famille Spencer-Kim-Lewis, l’homme sorti de son silence.

    - Vous faites pas de bile, Mademoiselle Vauganne. Vous n’êtes pas la première à tomber dans ce genre d’arnaque. Et vous ne serait pas la dernière.

    Il se détourna rapidement, comme gêné lui-même de ses paroles « bienveillantes » alors qu’Alice, sa femme, s’excusa dans une grimace gênée. La famille repartit donc comme elle était venue, laissant de nouveau seule Iseult. Mains sur les hanches, elle observait à nouveau son "palais". La nuit ne tarda pas à venir et elle dû se résoudre à passer la nuit dans sa tente.

     

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    Silence, l’eau qui tangue, quelque clameur au loin. Un chien qui aboie, des rires heureux. Elle soupira, réajustant sa veste sur elle. Elle avait froid en ce début de printemps. Iseult ferma les yeux et laissa une petite larme lui échapper. Elle avait froid, elle avait faim et n’avait plus grand espoir pour le lendemain. Qu’avait-elle fait au bon dieu ou tout autre esprit divin ancestral pour en arriver là. Le vent frappa contre le tissu de sa tente qui menaçait de s’envoler à tout instant. Elle serra les dents, jura en silence et fit une nouvelle promesse : qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, elle se battra pour bâtir une maison digne d’un palais sur ce terrain maudit. Et la pire des batailles allait vite arriver. Celle que l’on nomme : la bataille administrative. Première étape : obtenir des murs, un toit, l’électricité et surtout l’eau courante.

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    Enfin, elle eut beau penser cela alors qu’elle luttait pour s’endormir, elle fut rapidement obligée d’accepter la réalité : par où commencer ? Le chant des oiseaux était certes plaisant mais lorsqu’il débutait à 5h du matin, Iseult éprouvait quelques difficultés à garder l’esprit actif et surtout à voir les priorités. Alors qu’elle remplissait son petit seau d’eau dans la mare infestée de moustique et à l’eau saumâtre, se trouvant juste derrière sa tente, elle comprit qu’elle ne pourrait rien faire aujourd’hui. Peut-être se renseigner auprès de ses nouveaux collègues pas encore rencontrés.

    - L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, comme qui dirait…

    Les dictons, les adages… C’étaient bien là son dernier souci et ce n’était pas des mots qui allaient le lui remplir le ventre ou lui offrir une douche décente. Soupirant, elle pose son seau d’eau sur le sol et s’accroupit devant. Elle voulut y plonger les mains afin de se laver le visage mais suspendit son geste. L’eau était verdâtre et des petits morceaux de végétation flottaient à la surface. Dégoûtée, elle se laissa tomber sur les fesses, renversant ainsi le seau. Elle préféra fixer le ciel où le soleil se trouvait déjà assez haut.

    - Mince ! Le travail !!

    Ni une, ni deux, la demoiselle attrapa son téléphone inutile dans la tente et fila, sac au vent, vers le plus proche arrêt de bus afin de se rendre au travail.

     

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    Pour une première journée, la brune espérait meilleur accueil et sympathie de la part de ses collègues et patron. Mais ce fut une douche froide. Pas un sourire, pas un mot gentil. Des ordres et des tâches ingrates à faire tout le long de son service. Elle n’aurait dû espérer un patron bienveillant qui la prendrait sous son aile et l’aiderait de bon cœur. Non, la réalité était bien plus cruelle. Elle se sentait désabusée. Tout allait de mal en pis et rien ne semblait vouloir aller bien. Était-ce l’ordre des choses ? Que seuls les êtres rayonnants réussissaient ? Elle voulut prendre son téléphone et appeler sa sœur mais les barres absentes de l’affichage de son écran la ramenèrent, elles aussi, à la dure réalité qu’était sa vie.

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    Elle se frappa les joues et releva ses lèvres en un sourire combattif. Elle n’allait pas se laisser abattre. Demain était un autre jour et elle prendrait les devants, quitte à devenir insupportable. Ses rêves n’allaient pas se bâtir seuls. A elle de prendre le taureau par les cornes.

    Une goutte de pluie, puis deux, puis trois. Ainsi arriva une averse. Elle ferma les paupières et profita de la fraîcheur qu’elle lui offrait. La nature était parfois clémente. Pas souvent mais Iseult savait qu’elle pouvait profiter de ces petits gestes sans aucune honte. Enfin honte… Elle n’avait pas le temps de tergiverser, et sans attendre, elle prit son gel douche et son shampoing, retira à la hâte ses vêtements et pria très fort qu’aucun voisin ne daigne profiter de cette forte pluie. Une douche ça ne se refusait pas, aussi sommaire fusse-elle.

     

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    Le lendemain matin, la pluie tombait encore mais Iseult en prit son partie. N’ayant rien pour s’en protéger, il fallait bien vivre. Elle s’installa donc près du lac en face de son terrain en friche et entama une petite session de pêche improvisée. Elle n’avait jamais pêché auparavant mais un sympathique pêcheur lui avait donné une vieille canne le jour de son arrivée. Elle planta un vers sur la pointe de l'hameçon et lança sa ligne sans trop de conviction. La peur de l’échec était omniprésente chez Iseult et même pour un loisir –si l’on pouvait appeler cela comme ça dans son cas car il y avait une dimension de survie- la demoiselle recherchait la perfection. Tous les moyens étaient bons pour se faire de l’argent…

     

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    … hélas, quand ça ne voulait pas, ça ne voulait pas. Elle rangea sa canne, dépitée, puis profita de l’air frais promis. Il était vrai, elle s’en rendait compte aussi peu de temps après son acquisition, que la tranquillité était au rendez-vous. Peu de passage, quelques oiseaux et animaux sauvages. Beaucoup de pluie au printemps, air frais à tendance froid –surtout la nuit. Mais malgré les apparences, Iseult était une personne robuste et n’avait pas souvent froid.

     

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